Y a-t-il un tournant spatial en histoire économique ?
Cet atelier a été organisé par le Center for History and Economics – Paris (CHE-P) à Paris (Centre de sociologie des organisations) le 5 juin 2019. Le compte rendu a été élaboré par Anna Egea. Les participant.es se sont intéressé.es au récent regain d’intérêt pour les approches spatiales dans l’histoire de la vie économique. Parmi les sujets abordés figuraient les apports de concepts tels que « distance », « frontière », « densité » – et plus généralement les concepts empruntés à la géographie –, les manières de rendre compte des localisations urbaines et rurales, les choix d’utilisation – ou non – de cartes anciennes, de cartes élaborées aujourd’hui ou d’autres formes de représentations spatiales, par exemple de flux et de réseaux.
Vous pouvez lire ici le programme de la journée, organisée par Emma Rothschild (Cambridge et Harvard), Claire Lemercier (Paris, CSO) et David Todd (King’s College). Elle a réuni Madeline Woker (Columbia), Gareth Stedman-Jones (Cambridge), Francesca Trivellato (IAS, Princeton), Alexia Yates (Manchester), Guillaume Daudin (Université de Paris-Dauphine), Camille Buat (Paris, CHSP), Béatrice Dedinger (Paris, CHSP), Nicolas Delalande (Paris, CHSP), Paul-André Rosental (Paris, CHSP), Giacomo Parrinello (Paris, CHSP), Renaud Morieux (Cambridge).
A l’issue de cette journée, nous avons constitué une bibliothèque partagée sous Zotero indiquant les références bibliographiques évoquées par les participant.es – un très bon moyen d’entrer dans cette question, sous des angles variés. Cette bibliothèque n’est pas directement accessible en ligne parce qu’elle contient des documents pdf que nous ne pouvons pas diffuser largement, mais vous pouvez demander l’accès en écrivant à anna.egea@sciencespo.fr Le CHE-P organisera à l’avenir d’autres ateliers de ce type en proposant également de petits comptes rendus et/ou bibliographie. Celui initialement prévu en 2020 autour des archives du droit et de la justice en histoire économique a dû être reporté. Un autre atelier est en cours de préfiguration autour des liens entre histoire de l’environnement et sciences économiques.
Quelques échos de la journée
Francesca Trivellato
I went into this meeting without knowing what to expect, although I had every reason to trust the organizers to bring together an interesting group of people. I left feeling that I had just had a very enriching intellectual experience, less because of the specific things I had learned about topics I knew nothing about before (though there is that too) than because of the brilliance and collegiality of everyone involved. Somehow, a free-flowing conversation had carried through the day and inspired me at every turn.
Béatrice Dedinger
Je remercie Claire et David de m’avoir invitée à participer à ce premier atelier du Centre for History and Economics in Paris dont j’ai trouvé la formule intéressante, originale et agréable. Rassembler des intervenants de divers horizons pour parler de leurs recherches diverses autour d’un thème commun apporte une ouverture d’esprit dont on a trop tendance à s’éloigner. C’était d’autant plus enrichissant que les interventions étaient de qualité. J’ai aussi beaucoup apprécié le caractère convivial et égalitaire de cet atelier dans lequel ont pu converser, sans aucune distinction de rang, doctorants, chercheurs, assistants de recherche, professeurs, dans la langue qui leur convenait.
Guillaume Daudin
Avec plus d’un mois de recul, j’ai le souvenir d’une journée très diverse, dans laquelle de nombreux sujets ont été abordés. L’espace y a eu des statuts hétéroclites, adaptés aux questions posées : parfois au centre de l’analyse et parfois comme une des variables à prendre en compte pour comprendre un phénomène historique. Rétrospectivement, j’ai l’impression qu’il n’y a pas eu de “tournant spatial” en histoire économique comparable au tournant culturel. Mais la question du colloque était peut-être rhétorique. Les questionnements étaient intéressants et les présentations ont bien montré en quoi le recours à une réflexion sur l’espace pouvait éclairer de nombreux sujets.
Madeline Woker
This very stimulating discussion about the spatial turn in economic history led me to think more deeply about space as an “engine of inequality”. This was particularly useful for me, given that my work focuses on the fiscal unevenness of the French colonial empire and the ways in which the particular geography of empire generates and entrenches tax inequality. What happens to fiscal space when it is shared across the metropole and its colonies? I realized that there is a much more complex story to tell in parallel to the classic history of the “French fiscal state”. I also appreciated the questions we asked about the processes at play behind the creation of maps and how historians are sometimes at risk of reusing spatial representations that are already constructed. It pushed me to think more about the comparative virtues of statistical and spatial representations.
Alexia Yates
Our discussions confirm the utility of taking space seriously as a material entity and an organizer of social relations for a history of economic life. In exciting and productive ways, across the disciplinary perspectives present at the workshop (from economics, history, political science, and sociology), fundamental elements of spatiality remain a puzzle. Our discussions on the historicity of spatial methodologies – and how to situate our own archival and analytic approaches alongside those of historical subjects struggling to assess distance and connectivity – were particularly illuminating, forcing the question of sources and scales of analysis to the fore.
Claire Lemercier
Je retiens notamment des aspects que je ne connaissais pas du travail de mes collègues de Sciences Po. Paul-André Rosental a évoqué les changements dans les modélisations des inégalités spatiales (vues comme continues/linéaires ou discontinues/qualitatives) ; Béatrice Dedinger a parlé d’enjeux de construction de données : que faire quand il faut décider ce qu’on appelle un “pays” ? ; et Giacomo Parrinello et Camille Buat ont bien montré comment une carte ou un système d’information géographique, mis en relation avec un raisonnement fondé sur une analyse rapprochée de sources narratives ou discursives, peuvent produire du nouveau – autre chose que les résultats dits “quantitatifs” et “qualitatifs” pris séparément.