L’association a décerné le prix de la meilleure présentation par une·e doctorant·e au Congrès AFHE 2023 à Eglantine CUSSAC, doctorante de l’Université de Strasbourg, pour sa présentation intitulée Piloter scientifiquement l’émergence d’un marché? Directeurs commerciaux et représentants de commerce dans le lancement du Pathé-Baby (1922-années 1930).

Depuis 2020, Eglantine Cussac mène une thèse, intitulée Producteurs et clients de colorants textiles dans l’Europe industrialisée (fin des années 1860 – milieu des années 1930), sous la direction de Catherine Maurer.

Résumé de thèse :

Intermédiaires chargés de démarcher une clientèle pour le compte de la maison qui l’emploie, en déplacement au sein d’un secteur géographique négocié, voyageurs et représentants de commerce deviennent des figures communes et banales dans l’activité commerciale française de la deuxième moitié du XIXème siècle aux années 1970. Leur nombre, estimé entre 80 000 et 100 000 individus sur la période, représente alors 0,1 à 0,2 % de la population, soit 1 à 2 voyageurs de commerce pour 1 000 habitants : c’est quatre fois plus que le corps médical à l’époque. Leur apparition auprès des clients, cyclique et, dans l’idéal, régulière, en fait une figure connue qui, à défaut d’être marquante, inscrit le voyageur de commerce dans le paysage commercial commun ; essentiels à la vie économique régionale et nationale dans les secteurs de consommation classiques dans un contexte où le marché français est fragmenté et l’activité commerciale se comprend davantage aux échelles locales et régionales, ils participent à l’essor de pratiques de consommation, ils sont bien intégrés dans le tissu social local et auprès des notables au début de la période d’analyse. Pourtant, jusqu’à présent, ces acteurs n’ont pas, en France, attiré l’attention des historiens. Or, cet essor de la profession, stable dans le temps sur la période étudiée et qui ne connait pas de réel reflux, à l’exception des périodes de crise massive qu’ont représenté les Première et Seconde Guerres mondiales, interroge, dans la mesure où il coexiste avec l’émergence de formes de distribution commerciales davantage centralisées, fondées sur un apport de capital autrement plus important, et dont le mode de fonctionnement contribue à instaurer une mise à distance avec le client, qui est de plus en plus éduqué à devenir un consommateur[1]. Ce sont cette double temporalité dans le monde du commerce et ses recoupements, ainsi que cette défense opiniâtre d’un commerce plus traditionnel fondé sur le face-à-face et les relations d’interconnaissance qui interrogent : c’est un milieu sous tension, attaché à son indépendance commerciale, sur la défensive, qui est analysé, justifiant des stratégies de résistance individuelles et collectives à un déclin, réel ou supposé, de l’activité de représentation qui commencent par se faire reconnaitre comme une profession à part entière. Mes travaux de thèse entendent ainsi proposer une histoire sociale, économique et professionnelle des voyageurs et représentants de commerce en France, des années 1880 à la fin des années 1930, sur une période qui dessine un temps cohérent de construction d’une profession et de revendication d’un statut professionnel spécifique, qui se clôt globalement avec le vote d’un statut professionnel en 1937.

[1]Londeix, Olivier, « Du client au consommateur : Casino, une chaîne succursaliste alimentaire française (1898-1960) », thèse de doctorat (dir. Sabine Effosse), Université Paris Nanterre, 2018.

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